La famille d’Emile Bernard quitte Lille, où l’enfant était né quelques années plus tôt, pour la capitale. Le jeune homme assiste d’abord aux cours de dessin de l’Ecole des Arts Décoratifs avant d’intégrer, à partir de 1884, l’atelier de Fernand Cormon. Il y fait notamment la connaissance de Louis Anquetin et d’Henri de Toulouse-Lautrec avant d’en être exclu pour des raisons disciplinaires, contestant la doctrine conservatrice du maître et un enseignement trop étriqué à son goût. Il se tourne tout entier vers un apprentissage plus instinctif et solitaire, qui convient mieux à son caractère, basé sur l’observation de la nature qu’il vénère et des maîtres anciens qu’il admire. Il entreprend alors un voyage à pied de six mois à travers la Normandie et la Bretagne.
Emile Bernard est tout particulièrement connu pour avoir initié, aux côtés de Louis Anquetin, un vocabulaire visuel novateur et inspirant, qu’il a continué de développer dans les années qui suivirent. A l’automne 1888, la rencontre avec Paul Gauguin, dans une auberge de Pont-Aven, est déterminante. Ensemble, ils jettent les fondements d’un art nouveau, puissant par la simplification et l’éloquence de ses formes. Un langage qui exclut le naturalisme pour mettre à nu la sensibilité de l’artiste, son propre ressenti, au travers d’un concentré des impressions gardées en mémoire. Si la nature commande les sentiments qu’elle inspire, le peintre est souverain dans leur transcription. Les volumes et les perspectives sont anéantis au profit d’une planéité construite par une succession de plans colorés, cernés et rythmés. Une nouvelle approche du réel est née ; qu’elle se nomme cloisonnisme, synthétisme ou symbolisme, elle porte en elle les germes d’une révolution dans l’appréhension de la représentation par les artistes du siècle à venir.
« Comment représenter les choses en idée ? La réponse me parut simple. Puisque l’idée est la forme des choses recueillies par l’imagination, il fallait peindre, non plus devant la chose, mais en la reprenant dans l’imagination qui l’avait recueillie, qui en conservait l’idée. Ainsi l’idée de la chose apporterait la forme convenable au sujet du tableau, ou plutôt à son idéal (somme des idées). » Émile Bernard, Souvenirs inédits sur l’artiste Paul Gauguin et ses compagnons lors de leur séjour à Pont-Aven et au Pouldu, Lorient, 1941.
Emile Bernard n’a cessé, sa vie durant, d’écrire, de correspondre, d’interroger le passé. Peu après sa brouille définitive avec Gauguin en 1891, à qui il ne pardonnera pas de s’attribuer tout le mérite de la création de ce nouveau courant, il se rend en Egypte. Il y demeure pendant dix ans, renouant peu à peu avec la tradition. En juillet 1894, il épouse la fille d’une riche famille égyptienne. Ses lectures au cours de ces années d’exil, la fascination de l’Orient, attisent également chez l’artiste un certain mysticisme. Son art s’avère sensible aux questions philosophiques et religieuses qui l’étreignent.
Il rentre en France, laissant en Égypte son épouse. Il a pris sous son aile le jeune peintre André Maire, qui deviendra également son beau-fils. Emile Bernard fonde la revue La Rénovation Esthétique, pour laquelle il écrit de nombreux articles, utilisant plusieurs pseudonymes afin d’appuyer avec force ses convictions. Il milite en effet contre l’avant-garde, pour un révérencieux retour aux maîtres passés et le rétablissement de l’hégémonie de la beauté dans les arts. Emile Bernard se montre alors aussi réactionnaire dans ses idées et dans sa production qu’il put être novateur au cours de ses jeunes années. Ses écrits, abondants, explicitent toutefois les choix d’un artiste complexe, dont l’art était entièrement en corrélation avec les convictions profondes qu’il affirma avec courage.
En 2015, une exposition organisée à l’Orangerie par le musée d’Orsay dévoile l’œuvre indissociable des réflexions d’un artiste resté longtemps incompris.
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