Dans l'intimité des peintres : André MAIRE
L'artiste André Maire dans le souvenir de sa petite-fille
Pour cette quatrième publication, nous nous envolons loin, jusqu’aux temples d’Angkor, au fleuve Niger, sur les ailes du souvenir d’une petite-fille d’artiste, Marie-Laure Torrez. Elle a généreusement accepté de partager avec nous ces moments d’intimité vécus avec celui qui fut un insatiable voyageur, l’artiste André Maire, qui aimait lui parler de son travail.
« J’ai conscience de la chance que j’ai eu d’avoir mon grand-père.
Très jeune, le Vietnam était dans ma chambre. D’une pièce à l’autre de la maison je voyageais.
Tout naturellement les couleurs, la poésie, la beauté, m’imprégnèrent sans m’en rendre compte.
Plus tard, lorsque j’habitais Paris, je rendais visite à mes grands-parents tous les samedis. Je me souviens d’un jour un peu gris. Mon grand-père prit un air mystérieux, s’approcha de sa grande caisse près de la petite table un peu branlante où il mettait sa palette et ses pinceaux. Aujourd’hui nous allons voyager, tu veux ? Mes yeux s’écarquillèrent. Voyager ! Voyager !
Avec précaution il sortit un grand carton à dessin, il l’ouvrit délicatement. Nous nous sommes retrouvés dans la forêt laotienne, les couleurs vibraient, comme par magie des éléphants marchaient vers nous, le ciel était flamboyant, les arbres étaient majestueux.
« - Dis-moi papi, comment fais-tu pour dessiner si bien les arbres ?
- Si tu veux les dessiner, tu dois bien les ancrer, il faut que l’on sente les racines pénétrer dans la terre, ils doivent être vivants. »
Tout en me disant cela, il avait pris un carnet de croquis et dessinait l’arbre.
« Tu clignes des yeux, tu as l’ombre et la lumière, ton trait doit être précis, tu dois sentir son squelette ».
Je le voyais dessiner, tout me semblait tellement évident ! Je n’ai plus jamais regardé les arbres de la même façon !
Nous avons continué notre voyage, les gouaches glissaient les unes après les autres, la couleur prenait de plus en plus d’importance.
J’avais remarqué que dans beaucoup de scènes de la vie courante il y avait souvent des citrons dessinés en premier plan près des personnages.
« Tu sais, le jaune du citron fait vibrer les couleurs, il fait chanter les bleus, il donne un éclat, c’est comme un petit point de lumière. »
Ses souvenirs remontaient, il était heureux !
« - Tu sais je partais seul avec mon carton à dessin, je dessinais sans cesse. J’aimais m’enfoncer dans la forêt, rencontrer les hommes des hauts plateaux, descendre le Niger en Afrique, déambuler dans les rues de Bénarès au bord du Ganges, découvrir les grands temples d’Egypte. Mais mon plus grand choc fut les ruines d’Angkor ! C’était magique ! Ces grands arbres qui entrelaçaient ces temples laissant entrevoir des têtes majestueuses, l’Allée des géants, Angkor Vat, Angkor Thom …
J’y retournais jusqu’à plus soif, la magie était devant moi, je n’avais qu’à dessiner.
- Tu n’avais pas peur ? »
Il prit un air grave :
« Un jour, près de Dalat, je marchais dans la forêt avec ma petite chienne, soudain, prise de panique, elle fit demi-tour. Et c’est alors que j’ai compris, une odeur âcre et pénétrante, le tigre n’était pas loin. »
Je l’imaginais… Nous avons bien ri.
Il referma le carton.
Cette escapade m’avait fait comprendre à quel point mon grand-père avait abordé ces différents pays avec intelligence et sensibilité. Sa vision était ethnologique, chaque pays avait ses couleurs, ses odeurs, ses lumières.
La nature et les hommes ne faisait qu’un. Les temples et les architectures étaient exaltés.
Ce voyage avait fait vibrer nos cœurs ! Ma grand-mère jouait du piano, le soir tombait, nous étions heureux !
« - Et les décorations papy ?
- Tu sais, les décorations c’est un autre voyage… »
Marie-Laure Torrez, petite-fille d’André Maire